REWIND 2019 (Coma Edition)
18.12.2019Il a fallu plusieurs mois pour que tout se mette à basculer. Et c’est une surprise évidemment.
Pas vraiment de constater l’ampleur des dégâts ni la douleur irradiante, mais découvrir le périmètre des opérations et réaliser que rien ne s’est joué sur le terrain attendu. Là, les choses à vrai dire n’ont pas bougé, il est trop tard pour ça. Trente, trente-cinq, quarante, quarante-cinq ? Rien du tout. Rien. Beaucoup trop de choses sont présentes encore, presqu’intactes, pour imaginer qu’un adulte finisse par prendre la place. Il est trop tard. Même vieux, ça n’est pas ça, pas encore. C’est ailleurs, à peine un peu plus loin, qu’une porte a claqué et qu’un air glacial s’est engouffré avant de laisser s’installer l’effroi quotidien. Et il suffit de se retourner pour comprendre l’ordinaire de la chose, inévitable. Je regarde dans la mauvaise direction depuis le début, je m’inquiète, je guette, j’anticipe, je ne me doute pas, ou pas comme il faudrait. L’espace domestique s’est contracté en une poignée de minutes, quelques mots bien choisis, quelques autres échappés. Puis le monde a bifurqué. Ou a semblé le faire. Mais ce n’était que nos vies qui s’écartaient, la peau qui nous liait depuis la naissance qui se déchirait. L’ordre des choses, évidemment.
Qu’il faut être stupide pour vaciller à ce point. Les autres voient venir, savent, ou devinent quand vient leur tour. C’est l’orgueil qui aveugle, la prétention butée qui agite un voile tout autour, une brume tiède comme un bain qui finit par ramollir le corps du cou jusqu’aux pieds avec juste la tête au sec, gelée. Le temps du claquement, je m’en souviens à peine. Immédiat vu d’ici, interminable alors. Les sens à l’arrêt le goût et l’odorat surtout, enfouis. L’angoisse centenaire disparue. Un sommeil d’un nouveau genre, et le corps gommé en quelques semaines de toutes ses boursouflures. Sur la peau, entre les os, l’air passe mieux. C’est pas plus mal évidemment.
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crack of light | sans un mot
28.11.2017Depuis quelques semaines, je fabrique des mixtapes pour crack of light, à l’inviation de Manur. Une fois de temps en temps, je poserai ici le fichier à récupérer pour celles et ceux d’entre vous qui aiment encore le son des baladeurs. Celui-ci s’appelle « sans un mot ».
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L’envers
19.10.2014La chaleur incongrue d’octobre accélère l’évaporation de ces semaines d’apesanteur. Je cours sans fatigue ni friction. J’attends de me sentir vieux. Vieilli au moins.
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L’envers (Les traversées #3) by Starsky on Mixcloud
Le vent
24.05.2014Il y avait ces grandes herbes qui pliaient dans la fraîcheur au matin. Les fenêtres qu’on laissait ouvertes. Les chemins aux horizons nets et lointains. Les ciels infinis et l’incessant mouvement des nuages.
Une nuit sans clefs, aussi, à rouler dans Paris comme un con.
Puis le train pour cette ville posée contre la montagne. Une petite bande anglophone, pour quelques jours seulement. Les cris dans la rue toute la nuit.
Il y a les ouvriers en face qui travaillent douze heures par jour. Il y a la pluie.
Et encore assez d’arbres ici pour que les oiseaux s’installent au printemps et nous ramènent à la vie.
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Rite
13.04.2014L’appréhension avait mué au fil des semaines en inquiétude sourde, presque abstraite. Moi qui ne suis jamais seul, qui ne l’ai jamais été. Cinq semaines. Et puis le train, le RER, l’aéroport. Le mouvement, enfin, avait tout effacé.
Lower East Side. Un peu moins nettoyé que je ne le craignais. Plus une trace du danger de la vie d’avant, mais un peu du fantôme des âmes défoncées et heureuses qui ont traversé ces rues. Quelques lambeaux qui m’ont fait frémir, embellis par les flocons tombés ce matin même où j’avais tenu à dépenser mes dollars chez Kim’s. La 125ème, pour quelques minutes. La descente le long de Central Park, la neige qui résiste à la pénombre. Brooklyn Heights avant de partir.
Puis Montréal. Les tempêtes, le froid qui frappe le visage comme pour le rendre plus vivant. L’alternance des rues résidentielles et des commerces branchés du Mile End. Les disquaires. Les amis qui ponctuent les journées de travail en apnée. Sylvain Sylvain dans un rade, en Jonathan Richman tout tordu. Une part de la nuit qui hantait mon adolescence sur le bras droit.
Cinq semaines évaporées. Et pour la première fois depuis des années, quelques chansons gardent en elles l’empreinte de ces pas.
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Retombée
08.02.2014Lorsqu’elles ne sont pas enregistrées pour trouver l’amour, les cassettes et leurs pochettes découpées à la main sont glissées dans la poche des amis comme on prescrit un médicament rare, comme on offre une drogue douce. On peut se retrouver dans un café populaire, parler un peu. Tu peux essayer de me raconter, je peux essayer de comprendre. Écrire peut-être. Mais ça ne remplacera pas les émanations qui s’échappent de chaque interstice, la réaction chimique du passage d’une chanson à l’autre. Ces déplacements d’air sont plus forts que tout. Ils réparent les os, ils referment les plaies, ils calment les peurs.
Toujours, la musique apaise les douleurs invisibles.
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Extra
12.12.2013La mue a continué et tout, aujourd’hui, semble être passé de l’autre côté, à l’extérieur. Le corps comme une chambre vide, fraîchement lessivée, au dernier étage d’un vieil immeuble. Les murs sont blancs, les marques des clous qui tenaient les cadres, celles des punaises pour les photographies, font de toutes petites cicatrices, seules traces de la vie qui s’y était installée. La pièce est étroite mais les deux fenêtres en face de la porte font oublier l’espace. Elles ouvrent sur le ciel ardoise de l’hiver qui se confond avec les bâtiments les plus hauts et les toits parisiens. On pourrait passer des heures à contempler cette toile abstraite sans se préoccuper du soir qui tombe.
À la surface, quelques frictions, malgré tout. Réactions disproportionnées, grincements mal contrôlés, comme des tics. Un monde agité qui ne franchit pas l’épiderme. Une impatience irraisonnée.
Et puis, à l’intérieur, ce cœur imbécile qui se dérègle, bat sur ses propres fréquences et résonne comme au fond d’une église.
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Magnétique
05.10.2013La barrière est déjà loin. On a sauté sans prendre le temps d’anticiper la chute, sans vraiment préparer ni les chevilles ni les genoux. On a couru dans le champ, la terre d’abord humide a fini par soulever son lot de poussière aveuglante. Le soleil des fins de journée a fait durcir la peau, plié quelques rides. On a marché plus lentement on s’est allongé une ou deux fois. Les herbes jaunies ont caressé les jambes des enfants essoufflés et heureux. Le ciel grand ouvert avalait les nuages au rythme des rencontres. L’été a filé, traversé sans blessures.
Quarante ans sont passés, vingt ans accompagné.
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Poussière
09.06.2013Les mois passent comme si de rien n’était, sans faire vraiment de bruit. New York au milieu, parenthèse de mai qui sauve la vie.
Les compressions décompressions successives de ma poitrine comme de mes tempes donnent une idée de ce que doit être la plongée sous-marine. Une histoire de paliers, de temps qu’il faut prendre. Sauf que d’un jour à l’autre, incapable d’identifier la direction du courant, impossible de savoir si c’est bien vers la surface que tout cela mène. La surface de quoi, d’ailleurs ? Sans doute pas la bonne métaphore, donc.
Le plus dur évidement est d’être présent. D’être là, à chaque fois, alors que tout ce qui emplit c’est l’absence. Et que tout acte semble se répandre à la manière des particules de poussière que je passais des heures à observer dans ma chambre d’enfant les jours de soleil. Fasciné par leur danse que seule la lumière de la rue rendait visible.
Et tandis que l’été finit par s’installer, de beaux disques arrivent, qui sentent l’herbe fraîche, les après-midi insouciants et l’amour.
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Mars
05.04.2013Une semaine sur la côte landaise avec les enfants. Le soleil et la température élevée en contraste presque surnaturel des jours glacés de Paris, parenthèse atmosphérique dans l’hiver qui n’en finissait plus. Sur place, nos trajets en voiture fenêtres ouvertes avaient pu respecter la tradition chère au garçon comme à la fille : nous avons écouté Dinosaur Jr à plein volume, secouant nos têtes, souriant et parlant fort d’un siège à l’autre. Le dernier album de Purling Hiss a été également fort apprécié, inauguré à ma grande fierté par la remarque d’une critique en herbe : « Oh ben dis-donc le premier morceau, il ressemble à Nirvana, hein. » Oui oui. Élu disque de l’année à l’unanimité. Dans la maison, c’est Jonathan Richman qui accompagnait les fins d’après-midi.
Des signes alarmants nous sont parvenus d’une ville qui semblait, de nos douces vacances, une autre planète. Alarmants oui mais comment savoir. Comment savoir vraiment. Faire la différence avec toutes les autres fois. Et si on avait su, alors quoi ? Évidemment il y avait eu un pressentiment, le constat ou l’impression plutôt d’une accélération fulgurante après plusieurs années de calme relatif. Mais des pressentiments il y en avait eu beaucoup d’autres, vains. Deux jours après mon retour à Paris, à l’issue d’une expédition suivie de loin sans pouvoir à mon immense regret apporter le soutien de ma présence fraternelle, ceux qui étaient partis au front ont fait ouvrir l’appartement et trouvé son corps.
On ne va pas s’étendre, il n’y a rien d’ailleurs aujourd’hui sur quoi se reposer. Accueillir simplement l’appel d’air de la disparition, son ambivalence aussi, et tâcher de le contenir un peu. Reconnaître que seule la musique, élément qu’il a aidé à inscrire dans les plis les plus anciens de ma personne, aide. Seule la musique sait faire venir jusqu’ici le sable, la lumière et l’odeur des pins. Seule la musique sait faire couler des larmes apaisées. Seule la musique sait garder ouvertes les vitres de la voiture aux vents de l’océan.
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